La résilience économique face aux défis climatiques : bilan & perspectives dans les Hauts-de-France

La CCI Hauts-de-France, la Banque de France, la Chambre d’agriculture et la CMA Hauts-de-France s’associent une nouvelle fois pour présenter les résultats de leurs enquêtes de conjoncture, offrant ainsi un panorama complet du bilan de l’année 2023 et des perspectives à venir pour 2024. Mettant en lumière l’impact du changement climatique sur le climat des affaires, ces enquêtes révèlent les défis majeurs auxquels sont confrontées les entreprises de la région.

Zoom sur les points abordés à l’occasion de l’étape inaugurale des Rencontres régionales de l’économie 2024, à Lille, le 19 février dernier, devant un parterre de près de 300 participants.

REGARDS SUR

LA SPHERE PRODUCTIVE

En 2023, le chiffre d’affaires des industries régionales a progressé, de façon modérée, tiré principalement par la hausse des prix.

En 2023, le chiffre d’affaires du secteur industriel a légèrement augmenté, poussé par l’inflation. Retraité en volume, il s’est inscrit en diminution dans toutes les grandes filières à l’exception de la fabrication des matériels de transport. Les effectifs industriels régionaux ont été réduits sous l’effet d’un moindre recours aux effectifs intérimaires. La rentabilité a été préservée pour la majorité des entreprises (7 entreprises sur 10) et le nombre d’entreprises ayant vu leur rentabilité diminuer est en baisse de 5 points par rapport à notre enquête précédente.

Pour 2024, les industriels, moins optimistes, anticipent dans l’ensemble une légère baisse de l’activité.

Le secteur du BTP a bien résisté en 2023, enregistrant une hausse des volumes de production.

En dépit d’une croissance économique ralentie en 2023, le secteur de la construction a affiché une croissance significative d’activité, dépassant de 4,7 points les prévisions formulées en tout début d’année.

Le secteur du bâtiment a été le plus dynamique avec une hausse de 8,1% de son chiffre d’affaires. A l’opposé, les entreprises de travaux publics ont enregistré une plus faible progression des volumes de ventes (1%). La rentabilité des entreprises de construction s’est globalement améliorée, ainsi 34% des chefs d’entreprise indiquent une augmentation de rentabilité en 2023 contre 27% lors de notre enquête précédente.

Pour 2024, la production devrait être en légère augmentation avec des évolutions contrastées selon les corps de métier. Les entrepreneurs indiquent une baisse proche de 2% de la production dans le gros œuvre. Dans le second œuvre et les travaux publics, la production devrait progresser respectivement d’environ 2 et 3%.

L’activité dans les services marchands hors hébergement-restauration a crû modérément en raison de l’augmentation des prix des prestations.

A l’exception du secteur du transport-entreposage qui a enregistré une baisse de ses prestations, tous les autres secteurs sont en hausse. La rentabilité s’est toutefois globalement dégradée avec seulement 28% des entreprises qui ont déclaré avoir vu leur rentabilité augmenter contre 34% l’an passé.

Pour 2024, les chefs d’entreprise se sont montrés réservés et prévoient une faible croissance de leur activité.

L’ARTISANAT

2023, une année d’incertitudes

Le contexte inflationniste soutenu continue de peser sur l’activité des artisans. Pour préserver leur pouvoir d’achat, une partie des consommateurs se détourne de l’artisanat, en particulier dans les secteurs de l’alimentaire et des services où plus d’un artisan sur deux n’a pas eu une activité suffisante en 2023.

La situation est plus stable pour les artisans du bâtiment en région Hauts-de-France, qui résistent pour l’instant aux différentes crises, notamment à la crise du logement neuf apparue sur le 2nd semestre 2023.  La situation reste néanmoins à surveiller puisque la visibilité sur les carnets de commande a significativement diminué dans le secteur depuis fin 2022.

La dynamique d’emploi s’est maintenue en 2023 avec 22% des artisans qui ont cherché à recruter (41% dans l’artisanat alimentaire). Face aux difficultés de recrutement, les artisans peuvent compter sur l’apprentissage. Ils sont 23% à travailler avec des apprentis (43% dans l’alimentaire). Plus généralement, 67% des artisans considèrent que l’apprentissage permet de former des collaborateurs aptes à répondre aux particularités du métier.

Les difficultés de trésorerie persistent. Elles ont été dégradées tout au long de l’année pour la majorité des artisans. La situation perdure depuis deux ans. Cette crise des trésoreries est alimentée par le ralentissement de l’activité, la hausse des prix d’achats et la hausse des charges qui les dégradent sur le long terme, entrainant des répercussions sur les capacités d’investissement des entreprises. Ces difficultés sont déjà visibles sur 2023, en particulier dans les secteurs de l’alimentaire et de l’artisanat de production où la proportion de dirigeants investissant dans leur entreprise a baissé de plus de 7 points en un an.

L’AGRICULTURE

Après deux années de forte hausse, les prix agricoles se replient en 2023, en particulier pour les productions de céréales et d’oléagineux. En parallèle, la hausse des charges supportée par les exploitations se poursuit entrainant des effets ciseaux pour les agriculteurs.

Dans ce contexte, l’enquête conjoncture, menée en décembre 2023, révèle, qu’un agriculteur des Hauts-de-France sur 2, estime que sa situation économique s’est dégradée, par rapport à 2022.

Les témoignages d’inquiétude pour le futur sont aussi de plus en plus marqués dans le monde agricole. Ainsi, 34 % des agriculteurs interrogés se déclarent pessimistes pour 2024 contre 20 % lors de la précédente enquête. Ce manque de perspectives, combiné à une complexité des réglementations qui s’accumulent, reflètent l’ambiance qui a entraîné la mobilisation de janvier / février 2024. Selon les agriculteurs interrogés, les éléments qui auront le plus d’impact sur leur activité, pour la prochaine décennie, sont l’évolution des prix agricoles, des politiques agricoles et des marchés mondiaux.

INDICATEURS REGIONAUX

Maintien des créations d’entreprises à un niveau élevé

En 2023, pour la deuxième année consécutive, le nombre de créations d’entreprises reste stable (légère baisse de -0,6% en cumul sur un an à la fin du 3ème trimestre 2023). Après les fortes hausses constatées ces dernières années, le nombre de créations semble avoir atteint un pic en 2021, et depuis l’année dernière elles se stabilisent aux alentours de 65 000 créations par an. Les micro-entreprises, qui représentent 2 créations sur 3, sont en légère hausse (+2% sur un an). Les sociétés, qui représentent 23% des créations, sont quant à elles en baisse (-4%). Enfin, les créations sous forme d’entreprises individuelles sont toujours très peu nombreuses (un peu plus d’une création sur 10) et sont également en recul (-7%).

Forte hausse des défaillances pour la seconde année consécutive

Plus de 4000 défaillances d’entreprises ont été enregistrées en 2023, soit une hausse de 26% par rapport à 2022. Le nombre de procédures est légèrement supérieur aux niveaux d’avant Covid, et si la hausse se poursuit en 2024, il devrait égaler le record de 2012 (près de 5000 défaillances enregistrées). Cette hausse concerne tous les secteurs d’activité et toutes les tailles d’entreprises, mais pas avec la même intensité. Ainsi, 4 secteurs enregistrent des hausses supérieures à 30% sur un an : l’industrie (167 procédures, + 45% par rapport à 2022), les autres activités de services (398, + 46%), le transport-logistique (137, + 34%) et les services aux particuliers (203, +33 %).

Cette augmentation du nombre de défaillances peut s’expliquer par un effet de « rattrapage » après la fin des mesures de soutien aux entreprises mises en place pendant la crise sanitaire.

Mais le contexte économique défavorable persistant (crise énergétique, inflation) pourrait conduire à une nouvelle hausse des défaillances en 2024 ; leur nombre pourrait alors atteindre les niveaux exceptionnellement hauts observés au début des années 2010 (entre 4 500 et 5 000 procédures par an en moyenne).

Un niveau de l’emploi atone en 2023

Après une année 2022 marquée par un fléchissement des créations d’emploi, la tendance 2023 n’est pas particulièrement réjouissante. Le bon niveau enregistré au 1e trimestre 2023 est amoindri par un printemps et un été moroses pour aboutir, sur une année glissante, à une stabilité du niveau de l’emploi (+0,1% contre +0,9% au niveau national). Cette stabilité concerne la quasi-totalité des secteurs d’activité, excepté l’intérim, qui recule de 6,2% par rapport au 3e trimestre 2022 et l’hôtellerie restauration qui, à l’inverse, a vu l’emploi légèrement progresser (+2,5%).

EN DETAIL

Bilan & Perspectives 2024

– Etude de conjoncture – 

RRE 2024

– Support de présentation chiffrée – 

FOCUS SUR

CHANGEMENT CLIMATIQUE & ACTIVITE DES ENTREPRISES 

Les sécheresses, les inondations à répétition, les tempêtes et les catastrophes naturelles extrêmes impactent fortement nos vies, nos économies et le climat des affaires. Ces dérèglements sont autant de risques qui pèsent sur les entreprises, avec pour conséquences des ruptures d’approvisionnements, des ruptures de stocks de matières premières, des coûts d’assurance plus important, un arrêt total de l’activité pouvant aller jusqu’à la cessation…

Il convient aujourd’hui d’intégrer, dans nos fonctionnements et nos écosystèmes, ces phénomènes qui seront de plus en plus nombreux et intenses. Nous sommes tous acteurs des solutions à mettre en place pour s’adapter. Gouvernement, habitants, mais aussi entreprises. Face aux changements climatiques, chacun a son rôle à jouer.  L’ensemble des acteurs et les représentants des entreprises doivent aider et mobiliser les entreprises pour qu’elles s’emparent de ce défi majeur… anticiper pour ne pas subir !

L’eau est d’abord une préoccupation économique

La consommation d’eau et sa gestion deviennent une priorité majeure dans la stratégie des entreprises. Avec notamment les changements climatiques, la pression sur cette ressource est de plus en plus forte et il convient aujourd’hui d’anticiper et de gérer l’eau de manière durable. D’ici 2030 il faudra atteindre une économie de -10% de la consommation pour défendre les différents droits d’usage. Les entreprises doivent s’y préparer dès aujourd’hui.

L’enquête réalisée par la CCI de région montre que les dirigeants considèrent les sujets relatifs à l’eau comme peu ou pas importants pour le bon fonctionnement de leur entreprise (part s’échelonnant de 77% à 87% suivant les sujets). La thématique de l’eau est avant tout abordée sous l’angle économique. En effet l’augmentation de son prix arrive en première place pour les entreprises répondantes (23%) et notamment pour les secteurs de l’hôtellerie restauration et des services à la personne.

Vient ensuite la problématique environnementale. 22% des dirigeants sont inquiets de la raréfaction de la ressource en eau et 20% considèrent que la mise en place de process pour réduire les consommations d’eau est un enjeu important. De même, 15% jugent qu’il est nécessaire de travailler sur des process afin de réduire les rejets d’eau polluée, notamment dans l’industrie (21%).

Climat et eau dans l’agriculture

65 % des agriculteurs interrogés estiment que l’accès à l’eau aura un fort impact sur leur activité dans l’avenir. Face à une pluviométrie plus inégalement répartie au fil de l’année et une hausse de l’évapotranspiration, l’enjeu de la sécurisation de l’accès à l’eau apparait comme primordial pour les années à venir.

Après un hiver où toutes les activités économiques ont été impactées par l’excès d’eau, où il a fallu évacuer à la mer plus de trois fois la quantité d’eau douce nécessaire à l’irrigation en un an, la question de bonne gestion de la ressource ne pourra pas se limiter à la sobriété, pour autant nécessaire.

Un plan d’investissements doit être réfléchi, avec toutes les forces économiques pour moderniser nos infrastructures de régulation hydraulique, sécuriser nos habitations et nos activités économiques. L’avenir de l’économie de notre région en dépend.

Les artisans à l’heure de la transition environnementale

C’est dans un climat des affaires incertain que les artisans abordent les grands défis de l’époque. Ils sont ainsi 42% à être concernés par la transition environnementale de leur entreprise : 24% ont déjà engagé des actions, notamment dans la gestion économe des ressources (matières premières, énergie, eau) et 18% l’envisagent à court terme. Les unités de fabrication dans l’artisanat alimentaire et de production sont les plus avancées : près d’1 artisan sur 2 se sent concerné dans ces secteurs.

Les artisans qui n’ont pour le moment aucun plan d’action en faveur de la transition environnementale, font actuellement face à deux principaux freins.

  • Le premier frein est économique : l’incertitude qui plane sur les niveaux d’activité et les niveaux bas des trésoreries ne favorise pas l’investissement ni l’engagement des entreprises vers cette transition. Il est nécessaire de l’imaginer à travers des modèles économiquement viables.
  • Le second frein est structurel : les entreprises artisanales sont des TPE, et nombre de leurs dirigeants ne disposent pas des ressources humaines, du temps, des connaissances et des compétences pour se projeter dans la transition écologique de leur entreprise.
  • Les artisans sont donc sensibles à la transition environnementale, qui leur semble difficilement accessible. Des leviers leur permettraient d’amorcer plus aisément cette transition, notamment une clarification et un renforcement des aides publiques, et un accompagnement accru, tant pour définir et prioriser un plan d’action, que pour identifier des partenaires, prestataires ou et fournisseurs écoresponsables.

LE MOT DE LA FIN

François Gemenne, Expert politologue du GIEC, professeur à HEC et grand témoin de l’édition lilloise des Rencontres régionales de l’économie 2024

Le changement climatique ne doit pas être traité comme une sorte de crise qui va disparaître mais, au contraire, comme une sorte de transformation profonde et durable… comme une occasion de se réinventer… de réinventer son modèle économique…

ENFIN

Vous aussi, faites de la transition écologique une opportunité pour votre entreprise !

Le réseau des CCI Hauts-de-France déploie des dispositifs pour accompagner les entreprises qui souhaitent s’engager dans une démarche de transition écologique, en faire un levier économique pour innover et se différencier, notamment à travers sa dynamique rev3.

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